Présentation générale des Demoiselles et des Libellules
Deliry C. [2025] – Présentation générale des Demoiselles et des Libellules - In : Odonates du Monde (Histoires Naturelles) (2004-[2025]) – Version 7066 du 29.12.2022. – odonates.net
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Présentation générale des Demoiselles et Libellules
Les Odonates, souvent appelés Libellules, correspondent en fait à deux ensembles principaux d'Insectes relativement primitifs proches des Éphémères : les Demoiselles et les Libellules véritables.
Le mots Odonates vient d'Odonata, nom forgé par Fabricius (1793) et qui désigne cet ensemble. Un des tous premiers noms que nous connaissons pour les désigner est Perla dans l'ouvrage d'Aldrovando (1602), mais c'est Rondelet (1558) qui les appelle le premier Libella pour en parler, en s'inspirant d'un nom donné à son époque au Requin marteau, nom lui-même basé sur outil utilisé par les architectes pour prendre les niveaux, dont la forme évoque celle du Sélacien. Rondelet (1558) s'intéresse à l'aspect des larves d'Odonates qui ont en miniature, la même forme particulière que le Requin marteau, avec des yeux excentrés au bout d'un prolongement partant de la tête. Si l'étymologie sur le thème de Libella ou petit livre a longtemps circulé, celle-ci est parfaitement erroné (hic 2019).
Le nom populaire est d'abord Demoiselles. On le sait car de Tigny (1802) en parle ainsi : Les Libellules sont connues dans presque toute la France, même par les enfans, sous le nom de Demoiselles, qu'elles doivent vraisemblablement à la longueur et à la finesse de leur corps.
Nous précisions (hic 2019) que les Odonates au sens large, existent depuis le Permien et sont issus d'un ensemble primitif datant du Carbonifère (325 Ma). On distingue les Protodonata qui sont des sortes de Libellules dont certaines de très grande taille avaient jusqu'à 70 cm d'envergure. Cet ensemble disparait il y a 250 Ma. Les Protozygoptera sont très comparables aux Demoiselles modernes. S'ils s'éteignent il y a 100 Ma, ils appartiennent à une lignée qui va donner naissance aux Odonates au sens strict ou véritables. Ces derniers acquièrent la structure de leurs ailes dès le Jurassique, soit il y a 200 Ma et se diversifient fortement au Crétacé. Il ne reste actuellement que trois ensembles principaux d'Odonates : les Zygoptères, Anisozygoptères et Anisoptères.
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🔍 - 🔍 - Début d’automne, insectes et lotus par Qian Xuan (XIIIe siècle) - Cette œuvre est à l’Institut des Arts de Détroit (Rouleau en longueur). Nous pensons que l’espèce au centre correspond à Rhyothemis fuliginosa (dét. : hic 2021). |

On trouve chez le célèbre peintre chinois Qian Xuan (1235-1305), la première représentation déterminable pour une libellule (hic 2019), selon une espèce reprise sur deux tableaux différents et que nous pensons être Rhyothemis fuliginosa (dét. hic 2021). C'est ensuite dans le Bréviaire de Belleville (Pucelle 1323-26) qu'on trouve une autre représentation de libellule et que nous avons attribuée à Calopteryx xanthostoma, située en France (hic 2018).
Linnaeus (1758) décrit 18 espèces de Libellules sous le genre unique Libellula dont il avait forgé le nom dès la première édition du Systema Naturae (Linnaeus 1735). Ce sont les premières descriptions officielles parmi les Odonates. Fabricius à la fin du XVIIIe siècle et Leach (Brewster 1815) au début du XIXe siècle posent les premières bases de la classification des Odonates. On voit entre 1839 et 1842, une explosion d'articles et de descriptions avec les travaux de Burmeister (1839) qui décrit pas moins de 159 nouvelles espèce, Say (1840) qui décrit parmi les premières Libellules d'Amérique du Nord et Rambur (1842) qui donne le nombre record pour un seul ouvrage, de 360 nouvelles espèces.

En parallèle Edmond de Selys Longchamps (1840) réalise sa première synthèse sur les Libellules d'Europe. Commence alors la période selysiennes qui va durer tout le reste du XIXe siècle. L'auteur franco-belge publiera plus de 120 documents sur les Odonates et décrira plus de 700 nouvelles espèces au cours de sa vie. Il s'agit d'un des odonatologues les plus important de l'histoire.
Le relais a été repris à partir des reliquats des collections de de Selys Longchamps par Ris et Martin au début du XXe siècle. Sur la même période l'étude parallèle des Odonates et affines, fossiles, vient améliorer la compréhension de cet ensemble d'Insectes. Au cours des dernières décennies, la phylogénétique des Odonates a été progressivement affinée (May 2019).
En 2010, 5952 espèces d'Odonates étaient connues (Dijkstra & al. 2013). Il y en a ce jour (lundi 1 septembre 2025) 6462 espèces et le nombre d'espèces décrites chaque année reste tout à fait significatif.
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🔍 - Libellula quadrimaculata - Modèle:DeliryP |
Commentaires sur la Systématique et les origines géologiques des Odonates
Alors que les Odonates sont classiquement nommés Libella en latin, le terme Libellula apparaît dès la première édition du Systema Naturae (Linnaeus 1735). Dans un premier temps nos Insectes sont confondus avec le genre Libellula, unique dans cet ensemble. Linnaeus (1758) et Fabricius (1775, 1777), ce dernier créant deux nouveaux genres (Aeshna et Agrion), se basent sur la structure des pièces buccales pour leur classification, pièces que nous retiendrons comme diverses et cornées. Les antennes sont courtes et les ailes étendues, l'abdomen présentant des expansions foliacées.
Harris (1780) qui s'exprime en anglais et en français, plaçant les deux langues en parallèle est à notre sens le premier à donner une description extensive "sérieuse" ou "accessible" des Odonates [1]. Toutefois un "mémoire" rédigé par De Geer (1771) nous avait échappé est présente de manière tout à fait claire nos Insectes, distinguant deux familles qu'il convient de rapporter aux Anisoptères et Zygoptères.
Westwood (1838) fait (p.82) un intéressant et bref résumé de l'histoire des dragon flies rappelant que Linnaeus (1758) avait déjà distingué deux ensembles alis patentibus et alis erectis qui correspondent respectivement à ce que nous appelons Anisoptères et Zygoptères. Il souligne qu'initialement les principaux caractères utilisés pour distinguer les genres se basent sur des éléments nécessitant l'usage d'une loupe, à savoir l'examen des pièces buccales.
Il s'avère que de Selys Longchamps (1840) apparaît comme un des premiers auteurs à remobiliser le nom d'Odonates (écrit en français dans son ouvrage) de Fabricius (1793), mais il ne l'utilise pas en priorité, préférant regrouper nos Insectes dans une famille unique : celle des Libellulidées (Libellulidae). Considérés d'abord comme une famille d'Insectes, l'ensemble ne sera traité comme un ordre qu'à partir du XXe siècle [A préciser !]. - (hic 2019).

Extrait de Deliry (2014)
Modèle:DeliryP 🔍
On distingue parmi les Hexapodes (Hexapoda), la Classe des Insectes (Insecta). Dans la sous-classe des Ptérygotes (Pterygota), se distingue la Clade des Paléoptères (Paleoptera) découpés en deux Super-Ordres, les Ephéméroptères (Ephemeroptera) et Odonatoptères (Odonatoptera). Les Paléoptères comptent près de 10.000 espèces. On les oppose aux Neoptera qui ont plus d'un million d'espèces connues.
Les Odonates sont des êtres vivants (êtres apparus entre - 4 à - 3 Ga) eucaryotes (- 3 à - 2 Ga) Opistochontes du groupe des Choano-organismes (- 2 à 1 Ga), Métazoaires (-1 Ga), Eumétazoaires, Bilatériens, Protostomiens, Cuticulates du groupe des Ecdyozoaires, Panarthorpodes (- 700 Ma), Mandibulates, Pancrustacés (-700 à - 500 Ma), Hexapodes (- 500 Ma) du groupe des Insectes (- 400 Ma) au sein duquel ils se distinguent clairement il y a 300 millions d’années (sens large) (hic 2019).
En d'autres termes ce sont des êtres vivants dont les cellules possèdent un noyau, qui fabriquent de la chitine, dont les ancêtres développaient des choanocytes, leur organisme étant pluricellulaire avec une bouche et plusieurs feuillets cellulaires, avec une symétrie bilatérale, la bouche se développant avant l'anus chez l'embryon, à squelette formant une cuticule, rigide et nécessitant des mues successives, possédant des appendices pairs, notamment des mandibules et des antennes, des pattes au nombre de trois paires du groupe des Insectes. Les dates données entre parenthèses sont d'hypothétiques repères chronologiques de la première diversification de chacun des ensembles considérés.
On distingue les Libellules par la présence de mandibules et d'antennes, Mandibulates ou Antennates, à la différence des chélicères qui caractérisent les Chélicérates (Araignées, Scorpions...). Alors que débute l'époque dite fossilifère, avec le Cambrien on connaît déjà une bonne diversité de Mandibulates dont la diversification fondamentale est à situer entre - 700 et - 500 Ma à la charnière du début de l'ère Primaire. L'ensemble est confus, avec convergences et diversification variées, les mille-pattes se distinguent au sein des Myriapodes, alors que les Pancrustacés sont formés de divers groupes dont les Crustacés et les Hexapodes auxquels appartiennent les Libellules. La diversification des Pancrustacés si elle commence avec le Cambrien aux alentours de - 500 Ma, elle se poursuivra jusqu'à nos jours. Les premiers Hexapodes, qui ne sont rien d'autre que les Insectes au sens large, font leur apparition plus tard, au cours du Dévonien, soit vers - 400 Ma. Les Odonates se distinguent nettement de la plupart des autres Insectes, ceux-ci présentant souvent entre eux des affinités significatives. Ils se rapprochent des Ephéméroptères qui s'originalisent de la même manière au sein de l'arbre phylogénétique des Insectes [hic 2019].
Les premiers Protodonates connus concernent le Carbonifère, vers - 300 Ma. A l'apparition des Libellules, la Pangée n'est pas encore constituée, l'Europe et l'Amérique du Nord sont toutefois réunies par la chaîne hercynienne au sein de laquelle se développent de luxuriantes forêts humides. Les premiers ancêtres des Zygoptères datent du Permien (vers - 250 Ma), alors que les Protodonates sont fortement diversifiés, et aucun anisoptère n'a été repéré avant le Jurassique (vers - 150 Ma).
Outre les sous-ordres actuels, on trouve dans les Odonates s.l. des ensembles fossiles (voir Classification des Insectes). Les Odonates actuels étant rangés dans les Euodonata (syn. : hic 2022). Ces derniers comprennent les Zygoptera et les Epiproctophora, les Anisozygoptera (que nous placions premièrement comme uniquement fossiles (hic 2019)) notamment, les Epiophlebioptera (confondus, avec désormais avec les Anisozygoptera sensu 2022) et les Anisoptera [hic 2019]. Les Cephalozygoptera Ŧ forment un nouveau sous-ordre décrit en 2021 (hic 2021).
Éléments de description
La tête porte des antennes courtes et de gros yeux composés de nombreuses facettes, trois ocelles et des pièces buccales broyeuses. Le thorax possède trois paires de pattes et deux paires d'ailes membraneuses. L'abdomen est constitué de dix segments dont le dernier comporte des cerques préhensiles chez les mâles. Ce sont des Insectes hétérométaboles dont les larves ou naïades sont aquatiques et les adultes aériens fondamentalement différents et séparés par une mue imaginale. Les larves se caractérisent par la présence de pièces buccales en forme de masque extensible. Les Odonates sont des prédateurs tant à l'état larvaire qu'à l'état imaginal (hic 2019).
De Selys Longchamps (1840) en fait une des premières descriptions en français et relativement complète : Mandibules et mâchoires cornées, très-fortes et recouvertes par les deux lèvres. Trois articles aux tarses. Ailes égales. Abdomen terminé par des appendices supérieurs et inférieur chez les mâles ; l'inférieur manquant chez les femelles. Deux grands yeux latéraux ; trois ocelles (ou yeux lisses) situés sur le vertex. Deux antennes aux côtés du front devant une élévation vésiculeuse, dans le plus grand nombre de cinq à six articles ou au moins de trois, dont le dernier composé est en forme de stylets. Ces insectes répondent au genre Libellula de Linné et à l'ordre des Odonates de Fabricius.
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🔍 - Gravure ancienne de 1897 montrant Coenagrion puella, Aeshna cyanea (recte hic) et Platetrum depressa ainsi que les larves correspondantes - Ouvrage encyclopédique |
Références
Aldrovando U. 1602 - Des Animalibus Insectis libri septem. - Bononiae. - ONLINE
Brewster D. (ed.) 1815 - The Edinburgh Encyclopaedia. - Edinburgh, Vol. 9. - [Leach : Odonata : 136-137]. - ONLINE
Burmeister H. 1839 - Handbuch der Entomologie. - Enslin, Berlin [Libellulina : 805-862]. - ONLINE
de Geer C. 1771 - Mémoires pour servir l'Histoire des Insectes. Tome second, première [Online (gallica.bnf.fr) : pl.19-21 [1]] et seconde partie (Dixième mémoire - Des Demoiselles : 661 et seq. : GoogleBook). - Stockholm.
de Selys Longchamps E. 1840 - Monographie des Libellulidées d'Europe. - Roret, Paris ; Muquardt, Bruxelles. - ONLINE
de Tigny F.M. 1802 - Histoire naturelle des Insectes. Tome II. - Paris. - ONLINE
Deliry C. 2014 - Classification phylogénétique des Libellules. - Histoires Naturelles n°34. - A la demande
Dijkstra K.D. & al. 2013 - The classification and diversity of dragonflies and damselflies (Odonata). - In : Zhang Z.Q. (ed.) - Animal Biodiversity : An Outline of Higher-level Classification and Survey of Taxonomic Richness (Addenda 2013). - Zootaxa, 3703 (1) : 36-45.
Fabricius J.C. 1793 - Entomologia systematica emendata et aucta. Tom. II. - Hafniae. - ONLINE
Harris M. 1780 - An exposition of English insects. - White & Robson, London. - [Rééd. complète en 1782]. - ONLINE éd. 1782
Pucelle J. 1323-26 - Breviarium ad usum fratrum praedicatorum. - "Bréviaire de Belleville". - Manuscrit.
Linnaeus C. 1735 - Systema Naturae. 1ère édition. - Lugduni Batavorum. - ONLINE
Linnaeus C. 1758 - Systema naturae. 10e édition. - Holmiae. - [Libellula] PDF
May M.L. 2019 - Odonata : Who They Are and What They Have Done for Us Lately : Classification and Ecosystem Services of Dragonflies. - Insects, 10 (62) : 1-17. - ONLINE
Qian Xuan [1235-1305] - Début d’automne. [et] Libellule sur un Bamboo. – [Peintures chinoises du XIIIe siècle]
Rambur P. 1842 - Histoire naturelle des insectes : Névroptères. - Roret, Paris : 534 pp. - ONLINE
Rondelet G. 1558 - L'Histoire entière des Poissons. - Bonhome, Lion.
Say T. 1840 - Description of new North American neuropterous insects, and observations on some already described. - Journal Academy Natural Sciences Philadelphia, 8 (1839) : 9-46. - ONLINE
Notes
[1] - Salon Harris (éd.1782 : 49, livraison 1778) l'abdomen est composé de 10 segments (anuli), anus exclus. Les Libellula ont quatre ailes qui sont longues et réticulées, trois yeux placés de manière divers selon les espèces. L'abdomen (ou queue) a la propriété de se courber comme un crochet et présente des pièces terminales "fortes" à l'extrémité. Il note que l'abdomen des ♀ tend à être plus fort que celui des ♂. La planche XII (livraison 1778) sert d'exemple pour cet ensemble et représente un ♂ et une ♀ d'Aeshna grandis, une larve et la face mettant en exergue les pièces buccales. Aucun nom scientifique est donné pour cette planche, la Libellule étant nommé "Grande demoiselle brune". La larve est nommée "chenille" et l'auteur précise qu'elle met près de 12 mois pour atteindre sa juste grandeur. Les émergences ont lieu entre avril et août, plus tôt chez les petites espèces (cf. Zygoptères) que chez les plus grandes (cf. Anisoptères). Larves et adultes se nourrissent de proies, notamment des Lépidoptères pour les dernières. La planche XVI (livraison 1778) présente une autre espèce exemple, sans nom scientifique, nommée la "Grande verte" et qui corresponds à Aeshna cyanea. Les œufs sont figurés pour la première fois dans l'histoire de l'odonatologie sur cette dernière planche.