Essai sur les Nymphes des Zygoptères d’Europe

©© bysa – Siga – Nymphe de Coenagrion puella vue de dessus, le plus pratique étant de les voir de côté. – Wikimedia commons

Quand lors de l’hiver 2003, un de mes stagiaires, Lionel Loubignac, avait été missionné pour étudier et déterminer les larves du cours de la Varèze en Isère (France), j’avais prévu qu’il fasse des récoltes et étudie les insectes conservés en alcool. Il a insisté pour ne pas tuer les nymphes et souhaitait les étudier in vivo, ainsi que les déterminer sur le terrain. Je pensais que ce serait pour ainsi dire impossible. Nous avons alors mis au point des méthodes simples de récolte et de comptage avec des « coups de tamis » (notamment des passoires de piscine, solides et efficaces), été confronté aux difficultés de détermination, et aux ambiguïtés des descriptions. Rapidement Gomphus vulgatissimus, Boyeria irene, Cordulegaster boltonii se sont avérés faciles à repérer. Nous avions par contre des problèmes avec les Onychogomphus forcipatus qui à l’état larvaire présentent une tendance plus épineuse que chez les exuvies et deux cohortes se distinguaient, les épineux et les peu épineux… avec des moments de doutes autour d’Onychogomphus uncatus et même Ophiogomphus cecilia. Ces deux espèces ne sont pas sur la Varèze et toutes les larves ont finalement été ramenées à Onychogomphus forcipatus. Les Calopteryx restaient les principaux Zygoptères rencontrés et les déterminations encore peu affinées.

Depuis les recherches de nymphes en période hivernale, sont devenues le quotidien de certains odonatologues et elles sont particulièrement pertinentes dans le cadre de l’étude des Thecagaster bidentata. Des difficultés existent quant à l’agressivité de telles méthodes d’étude sur les habitats, en particulier de faible dimension ou la faune annexe comme les Poissons dont les pontes peuvent être endommagées.
J’ai poursuivi en ce qui concerne l’étude des nymphes de Zygoptères, avec moins d’efficacité et moins d’assiduité aussi. Toutefois, il semble apparaître que l’étude des Zygoptères par l’entremise des larves est une méthode probablement plus efficace et pertinente que celle associées aux exuvies. En effet ces dernières sont assez difficiles à découvrir le plus souvent (sauf sur certains sites à Lestes de montagne), et tendent pour les Coenagrionidae s.l. à se recroqueviller, perdre de précieuses informations en particulier sur les contrastes de teintes. L’étude des larves est facilitées en termes de récolte et les déterminations semblent plus faciles qu’on ne l’imagine. Les genres se distinguent assez bien et les larves conservent toute la forme et les détails des appendices anaux, tout en ayant des nuances de couleur et de contrastes qui disparaissent volontiers chez les exuvies, en particulier si elles ont vieilli.

Calopteryx virgo
© British Dragonfly Society

Calopteryx

Les lamelles caudales sont en forme de plume allongées, de longueurs inégales et généralement colorées avec des barres claires. La position de telles nuances devraient permettre la séparation de certaines espèces en particulier selon les secteurs géographiques et la présence d’épines en arrière de la tête ou non permet d’avancer dans les déterminations.

Lestes dryas
© UK Wildlife

Lestes

Les larves de Lestes peuvent être distinguées par la forme du masque, ce qui est délicat à faire sur le terrain. Les exuvies sont parfois faciles à trouver et peuvent être déterminées.

Coenagrion hastulatum
© UK Wildlife

Coenagrion

La forme de détail des lamelles caudales, leur proportion et leur dimension permet d’avancer sur la détermination des espèces, notion qui peut être renforcée par la prise en considération des habitats. Ces lamelles sont dans le détail assez différentes au cas par cas. Elles sont assez fines, longues et bipartites chez Coenagrion hastulatum, pointues à mucronées chez Coenagrion mercuriale, qui semble les avoir raccourcies, Fonscolombagrion caerulescens ou Coenagrion scitulum par exemple.

Erythromma najas
© British Dragonfly Society

Erythromma

Les lamelles caudales des Erythromma ressemblent assez à celles des Coénagrions. La morphologie générale des nymphes diffère toutefois. Par ailleurs celles-ci sont assez contrastées par des zones plus sombres.

Ischnura elegans
© Thermal evolution can shape how…

Ischnura

Ce genre ainsi que les suivants se caractérisent plus ou moins par une pointe en terminaison des lamelles caudales. Cette pointe est faible, voire mucronée chez Ischnura elegans et Ischnura pumilio, de forme différente de celle des Coénagrions qui ont aussi des lamelles en pointe.

Ceriagrion tenellum
© British Dragonfly Society

Ceriagrion

Les lamelles caudales courtes est spatulées, mucronées, sont assez caractéristiques de ce genre, en particulier de Ceriagrion tenellum.

Pyrrhosoma nymphula
© British Dragonfly Society

Pyrrhosoma

Les lamelles caudales plus allongées ici, mais fortement marquées de sombre, généralement par un X ou zone sombre au centre, sont caractéristiques de Pyrrhosoma nymphula, voire du genre.

Platycnemis pennipes
© British Dragonfly Society

Platycnemis

L’exemple donné ici a des lamelles caudales spatulées qui paraissent assez courtes, néanmoins celles-ci sont généralement plus allongées que pour les cas précédents, et surtout terminées par plus qu’un mucron, mais un filament effilé et relativement long. Beaucoup moins visible sur les exuvies car celui-ci se recroqueville ou disparaît. Les espèces réputées difficiles voire impossibles à distinguer autrement que par la situation géographique. La morphologie et la proportion des différentes parties du corps peuvent aider.


Brochard C. (dir.) 2018 – Les larves de libellules de Paul-André Robert : L’Œuvre d’une vie. – NVB.