Pour une Liste Rouge pour les Odonates du Bénin (2021)

Il pourrait paraître a priori délicat d’établir une telle liste dans la mesure où le nombre de données paraît insuffisant, néanmoins nous pensons qu’on doit s’y essayer dans une perspective de préservation raisonnée de la faune des Demoiselles et Libellules du Bénin [2].

Deux principes fondamentaux, entre autres, sont à appliquer dans l’établissement des connaissances liées aux Listes Rouges à notre sens :
1. Le principe de précaution : une espèce réellement menacée ne doit pas être négligée et mieux vaut la préserver par « erreur » que de l’oublier,
2. Le principe de la certitude raisonnable : a contrario la prise en compte d’éléments raisonnablement justes ou acceptables, ne doivent pas non plus, exagérer le degré de menace.

L’établissement de la Liste Rouge des Odonates du Bénin exploite des arguments les plus objectifs possibles, basés sur les connaissances actuelles du terrain et sur l’exploitation de celles concernant les habitats qui impactent immanquablement les populations de ces Insectes.

Pour établir une liste rouge « régionale » (un pays étant considéré comme une région du Monde), l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) classe les espèces en onze catégories

Il convient tout d’abord d’identifier les espèces dont la connaissance est raisonnablement insuffisante. Ceci est rendu possible en comparant le statut « calculé » des taxons en regard des pays proches et de l’Afrique occidentale. Tout écart vers des statuts moins favorables pour le Bénin est alors considéré comme suspect. Par exemple une espèce qui est assez commune dans les pays voisins, mais peu commune au Bénin induit un déficit qui pourrait être l’effet d’un artéfact. En effet, si un tel écart est peut-être le fait d’une réalité locale, il est aussi régulièrement le fait d’un défaut de connaissance et de prospections (cf. artéfact). Les espèces notamment rares, correspondant à cette situation sont classées en conséquence en catégorie DD (Insuffisamment documentée). Comme on s’y attendait, elles sont nombreuses : 46 espèces. Ce sont : Aethriamanta rezia, Agriocnemis exilis, Allocnemis subnodalis, Anax ephippiger, Anax imperator, Azuragrion vansomereni, Brachythemis impartita, Crocothemis divisa, Crocothemis sanguinolenta, Diplacodes luminans, Elattoneura nigra, Hadrothemis infesta, Lestes dissimulans, Lestes tridens, Lestinogomphus minutus, Nesciothemis minor, Nesciothemis nigeriensis, Nesciothemis pujoli, Orthetrum austeni, Orthetrum chrysostigma, Orthetrum guineense, Orthetrum hintzi, Orthetrum julia, Orthetrum monardi, Palpopleura deceptor, Palpopleura jucunda, Palpopleura portia, Paragomphus genei, Parazyxomma flavicans, Phyllogomphus occidentalis, Pseudagrion glaucescens, Pseudagrion sublacteum, Rhyothemis semihyalina, Thermochoria equivocata, Tramea limbata, Trithemis aconita, Trithemis basitincta, Trithemis dejouxi, Trithemis dichroa, Trithemis grouti, Trithemis imitata, Trithemis kalula, Umma mesostigma, Urothemis edwardsii, Zygonyx geminuncus et Zygonyx torridus1.

Une des caractéristiques remarquables, bien que regrettable, au Bénin est la disparition et la destruction des milieux forestiers. Or, ce type d’habitat comme nous l’avons vu plus haut a régressé de plus de moitié en une simple décennie. On doit considérer ce facteur comme un élément impactant fortement les Libellules inféodées aux forêts, notamment pluviales. Ceci sera d’autant plus critique que les espèces seront rares. La catégorie CR [B1abiii], par déclin constaté de cet habitat est applicable aux 8 espèces suivantes qui sont donc En Grave Danger de disparition : Ceriagrion citrinum, Chlorocypha pyridiformosa, Chlorocypha rubida, Chlorocypha selysi, Gomphidia gamblesi, Orthetrum africanum, Phyllomacromia hervei et Zyxomma atlanticum.

Moins rares, on ajoutera deux espèces dans la catégorie EN [B2abiii] (En Danger), pour les mêmes motifs ou selon leur dépendance à l’habitat forestier dégradé : Ellattoneura balli et Rhyothemis notata.

Enfin, la situation semblera moins grave pour des espèces plus communes encore, sans être négligeable pour autant. La catégorie VU [B2abiii] est adaptée et concerne les espèces suivantes : Gynacantha cylindrata, Gynacantha nigeriensis et Tetrathemis camerunensis.

En parallèle de ces arguments, les espèces les plus rares et qui échappent aux situations précédentes doivent être considérées pour ce fait si leur statut est en cohérence avec celui des secteurs voisins en dehors du Bénin (voir plus haut). Nous trouvons ici des taxons rares à la fois au Bénin et dans les pays voisins ce qui correspond à une hypothèse de statut cohérent. Il s’agit de les ranger dans la catégorie VU [D2] et ce sont : Africallagma subtile, Anax tristis, Gynacantha manderica, Lestes ictericus, Lestes ochraceus, Paragomphus serrulatus, Phyllomacromia pseudafricana et Pseudagrion aguessei.

Au total ce sont donc 12 espèces qui sont concernées par la catégorie VU (Vulnérables).

Nous pensons enfin sur la base d’arguments divers, que les six espèces suivantes présentes aussi dans un contexte peu favorable dans les pays voisins méritent d’être mises en évidence avec la catégorie NT : Ictinogomphus ferox, Mesocnemis robusta, Orthetrum angustiventre, Pseudagrion glaucum, Rhyothemis fenestrina et Thermochoria equivocata.

Le résultat obtenu nous paraît satisfaisant et basé sur des arguments objectifs, même si faute de meilleure précisions, tous les arguments n’ont pas pu être considérés. Il s’approche volontiers de ce qui aurait été fait à dire d’expert (arguments plus subjectifs). Il n’est pas exclu qu’il n’y ait pas d’erreurs que les prospections à venir détecteront, que ce soit dans un sens ou dans un autre. Il faut savoir appliquer le principe de précaution, condition nécessaire pour une préservation des espèces, sans en négliger, quitte à agir pour la conservation de taxons qui a posteriori apparaîtront moins menacés qu’envisagé. C’est d’ailleurs le lot de toutes les Listes Rouges, y compris celles qui par exemple en Europe sont réalisées sur des lots de données conséquents. L’expérience et le recul montrent le fait suivant : le classement de certaines espèces dans une catégorie menacée se traduit par une attention et des prospections, mais aussi des mesures de conservation, qui conduisent à une amélioration de son statut [1]. Le but de conservation est en conséquence atteint.

18,3 % des espèces d’Odonates du Bénin apparaissent comme strictement menacées (CR, EN, VU), aucune n’est considérée comme disparue (EX, RE). 40,0 %, soit nettement plus du tiers, restent à étudier et sont mal connues (DD) . Ces dernières espèces sont largement susceptibles d’être menacée en réalité.

Liste rouge des Odonates du Bénin (2021)

[1] – Notons que par ailleurs, et en particulier chez les Oiseaux, les espèces qui avaient été classées en catégorie CR sur une (petite) région donnée tendent à être au bord de l’extinction ou carrément disparue de la région considérée en moins d’une vingtaine d’année, sauf si des actions de conservation spécifiques sont entreprises rapidement. Ceci met en évidence la grande importance de cette catégorie si on ne veut pas voir une espèce disparaître.

[2] – Nous avons présenté cette Liste Rouge à Séverin Tchibozo, spécialiste reconnu des Odonates du Bénin et travaillé avec lui sur le sujet, il n’a pas émis de réserve particulière, ni sur la méthode, ni sur les arguments et ni sur les résultats.

Citation proposée : Deliry C. 2021Pour une Liste Rouge des Odonates du Bénin. In : Deliry C. – Abrégé d’odonatologie béninoise. – Mis en ligne le 28 octobre 2022. – ONLINE

  1. Sauf cas particulier (cf. NA, RE ou EX), les nouvelles espèces ajoutées à la liste des Odonates du Bénin entrent en catégorie DD, jusqu’à ce qu’un examen plus précis de la situation soit faite. ↩︎