Contexte odonatologique du Bénin

L’étude des Odonates du Bénin a été amorcée par André Villiers en 1950 (Fraser 1951) et complétée seulement une cinquantaine d’années plus tard suite à des prospections menées par Séverin Tchibozo et visées par Klaas-Douwe Dijkstra (Tchibozo & Dijkstra 2004) [4]. L’année suivante Lieckweg & Niedringhaus (2005) rendent compte au sein d’un article sur les Odonates d’Afrique occidentale de 18 espèces vues au Bénin. Fraser (op. cit.) donne une liste de 41 espèces (recte 37 [hic 2022]) selon Tchibozo & Dijkstra (2004) qui en ont répertorié 73 (recte : 74) de mai à août 2002 (financement de l’International Dragonfly Fund) si bien qu’au début des années 2000 ce sont 86 espèces d’Odonates selon ces auteurs qui sont connus dans le pays (corrigé : 84) et plus d’une centaine escomptée. Dijkstra & Claunitzer (2006) avancent par hypothèse (espèces potentiellement présentes), le nombre optimiste de 219 espèces pour le Bénin. En octobre 2022, la liste est de 116 espèces seulement et le nombre de 219 proposé, est donc loin d’être atteint. Il nous apparaît probable que Dijkstra & Clausnitzer (op. cit.) ait surestimé le nombre des espèces forestières dont certaines ont peu de chances de se trouver au Bénin. De telles espèces existent toutefois de part et d’autre au Togo et au Nigéria dans certains cas. Il pourrait s’avérer que le Dahomey gap (voir présentation géographique) ait un influence très significative sur de telles espèces en raison du fort déficit forestier lié à ce phénomène géographique. Ces auteurs proposent un peu plus de 220 espèces potentielles pour le Togo et O’Neill & Paulson (2001) connaissent 123 espèces au Ghana.De la même manière le chiffre de 260 espèces potentielles est avancé par Dijkstra & Clausnitzer (op. cit.) pour le Nigéria, par contre dans la zone sahélienne plus au nord, ce ne sont guère plus d’une soixantaine d’espèces qui sont envisagées (Mali,Burkina Faso, Niger). Les mêmes auteurs proposent 323 espèces pour la République Démocratique du Congo, le maximum et l’évaluation est au minimum pour la Mauritanie avec 19 espèces seulement. Le Bénin apparaît donc dans les valeurs moyennes du continent pour la diversité odonatologique.

Effort de prospection odonatologique au 31 décembre 2019

Le continent africain en tant qu’entité afrotropicale comprend selon Dijkstra & al. (2008), 816 espèces, valeur à comparer avec les 1635 néotropicales et les 1665 espèces orientales. L’ensemble de ces zones présentent encore un fort potentiel de découverte et chaque année de nouvelles espèces y sont décrites pour la Science. A titre d’exemple l’article de Dijkstra & al. (2015) est très démonstratif puisqu’il ajoute à lui-seul quelques 60 nouvelles espèces pour l’Afrique, soit une progression immédiate de 7% de la biodiversité odonatologique du continent. Le nombre actuel d’espèces connues en Afrique n’est pas rapporté, mais il doit s’approcher de 900.

Ce sont 6379 espèces qui sont rapportés sur la World Odonata List (Paulson & al. 2022) fin octobre 2022. Le World odonata Web, moins restrictif, en propose 6388 (Deliry 2022). Dans un tel contexte l’Afrique comprendrait environ 14 % de la biodiversité odonatologique mondiale. Au niveau de l’Afrique le Bénin est proche de 13 % en rapport avec le continent. Un pays comme la République du Congo devrait offrir à peu près 40 % des espèces africaines.

Il n’y a que fort peu de publications spécifiques aux Odonates du Bénin (Fraser 1951, Tchibozo & Dijkstra 2004, Lieckweg & Niedringhaus 2005, Tchibozo & al. 2008, Tchibozo 2021). Ici se situe cette contribution dont la démarche a été entamée vers 2020, ce, jusqu’à cette mise en forme des informations compilés sur ce site Internet en 2022 [1].


L’évolution des paysages au Bénin depuis quelques milliers d’années s’est traduite globalement par l’existence d’un secteur forestier au Sud et plus régulièrement vert au Nord. Il y a une aridification prononcée dans le Nord du pays et une régression du couvert forestier sur l’ensemble du pays. Le Nord tend vers des habitats semi-arides et vers le Sud vers de la savane puis de la savane arborée. Il est traversé par quelques cours d’eau bordés de forêts galeries plus ou moins développées. Au niveau du Dahomey gap, la savane arborée fortement « fractionnée » par des zones agricoles atteint les zones littorales, alors que dans les régions voisines c’est la forêt qui borde l’Atlantique. Le couvert forestier est fortement fragmenté, toujours en déclin et devenu très relictuel. Des efforts sont menés pour le protéger en se basant sur une approche traditionnelle (forêts sacrées). Conséquence de cette dynamique, le nombre d’espèces forestières et surtout l’importance de leurs populations, sont réduites. La diversité est augmentée d’espèces fréquentant les points d’eau temporaires des zones de savane.

A relativement court terme, les paysages naturels du Bénin sont menacés au Nord par l’aridification et au Sud par la poursuite de la déforestation avec une augmentation continue des paysages agricoles et par l’extension de l’urbanisation. Les changements climatiques se traduisent par une érosion du littoral et le déclin des mangroves avec des conséquences en cascade sur la faune ichthyologique. Des efforts sont menés ici aussi pour maintenir ou restaurer ces habitats peu étudiés du point de vue odonatologique en Afrique.


La faune odonatologique enregistrée pour ce pays sert de référence pour la connaissance des Odonates de l’Ouest de l’Afrique, relativement incomplète par ailleurs. Ainsi Couteyen & Papazian (2012) utilisent cette liste pour établir les affinités biogéographiques des Odonates îles voisines de Madagascar. Nous reprendrons des éléments de cet article.

Nous avons envisagé, en 2020, nous basant sur les informations fournies par UICN (2020) qu’il fallait rechercher les espèces suivantes au Bénin :
•  Allocnemis elongata (ruisseaux en forêts pluviales) [2]
•  Chlorocypha radix (petits cours d’eau forestiers) [2]
•  Gynacantha sextans (habitats forestiers) [2]
•  Heliaeschna cynthiae (habitats forestiers)
•  Idomacromia lieftincki (probablement forêts pluviales sur les hauteurs)
•  Micromacromia zygoptera (ruisseaux des forêts pluviales) [2]
•  Neurogomphus featheri (secteurs boisés, savane, brousse)
•  Orthetrum brevistylum (= O. kollmanspergeri) (oueds)
Orthetrum microstigma (forêts notamment marécageuses) [2]
Paragomphus nigroviridis (ruisseaux en forêts pluviales) [2]
Phaon camerunensis (forêts pluviales) [2]
Phyllomacromia contumax (forêts galeries dans la savane, grands lacs) [2]
Pseudagrion camerunense (cours d’eau ouverts) [2]
Pseudagrion epiphonematicum (cours d’eau de forêts pluviales) [2]
Pseudagrion hemicolon (cours d’eau de forêts pluviales) [2]
Sapho ciliata (cours d’eau forestiers) [2]
Sympetrum fonscolombei (habitats généralement stagnants variés)
Tetrathemis godiardi (étangs en forêts pluviales) [2]
Trithemis monardi (marais dans la brousse ou les régions boisées)
Trithemis stictica (ruisseaux et marais ou étangs dans la brousse ou en forêt)
•  Zygonyx flavicosta (ruisseaux en forêts pluviales) [2]
Selon leur aire de répartition, il convient de chercher aussi :
Copera guttifera (sections calmes et très ombragées de cours d’eau en forêt pluviale)
Paragomphus cammaertsi (zone de transition entre les forêts et la savane, collines)
Pseudagrion glaucoideum (cours d’eau lents en milieux ouverts)
Sapho bicolor (petits cours d’eau en forêts pluviales)

Notons par ailleurs que Fraser (1951) propose de plus dans sa liste Pseudagrion furcigerum qui est une espèce mal connue, mais qui semble inféodée à l’Afrique du Sud. Cette mention est de toute évidence erronée. On trouve encore parmi les espèces erronées Oxygastra curtisii, une Libellule essentiellement européenne chez Adandédjan & al. (2011). Nous avons là un article inexploitable à notre niveau et présentant diverses autres erreurs évidentes.


Notes

[1] – J’ai alors pu consulter quelques documents de la littérature grise et le reste est disponible en téléchargement sur Internet. Par contre j’ai dû acheter l’article fondateur de Fraser (1951) que je ne trouvais nulle part. L’examen de la photothèque d’Odonates du Bénin de Séverin Tchibozo [3] et le fait que les collections disponibles pour ce pays, aient été examinés par Klaas-Douwe Dijkstra, permet de donner un bon crédit à la détermination d’une part significative des espèces listées pour le Bénin. D’autres contrôles ont pu être faits sur des images disponibles sur Internet où qui m’ont été transmises. J’ai pu monter des éléments cartographiques à partir de bases de données disponibles en ligne (près d’un millier de données : à préciser). Enfin en août 2022, j’ai financé sur mes fonds propres, une mission naturaliste au Bénin dans le cadre des Histoires Naturelles, afin d’y découvrir et mieux connaître différentes espèces et leurs habitats. Les références disponibles sont citées à juste place et pourront être complétées si nécessaire. Les toutes premières versions du texte que j’ai écrit, ont été relues par Séverin Tchibozo et une partie d’entre-elles vues par Günther Fleck. La relecture critique et les compléments sont désormais aux bons soins de la communauté odonatologique et la part de chacun sera considérée.

[2] – Cette série d’espèces a été plus ou moins clairement proposée pour le Bénin, mais les éléments disponibles nous semblent encore insuffisants pour les accepter dans la liste de Odonates de ce pays. Dans ce cas elles sont commentées à part (cliquez).

[3] – Les 47 espèces suivantes, au moins, sont représentées dans cette photothèque et permettent de contrôler les déterminations : Aciagrion gracile, Acisoma inflatum, Aethriamanta rezia, Africallagma subtile, Agriocnemis maclachlani, Brachythemis impartita, Brachythemis leucosticta, Bradinopyga strachani, Ceriagrion citrinum, Ceriagrion glabrum, Ceriagrion rubellocerinum, Chalcostephia flavifrons, Chlorocypha curta, Copera sikassoensis, Crocothemis divisa, Crocothemis erythraea, Diplacodes lefebvrei, Diplacodes luminans, Elattoneura nigra, Gynacantha cylindrata, Hemistigma albipunctum, Mesocnemis singularis, Neodythemis klingi, Nesciothemis pujoli, Orthetrum austeni, Orthetrum brachiale, Orthetrum chrysostigma, Orthetrum hintzi, Orthetrum julia, Orthetrum stemmale, Oxythemis phoenicoscles, Palpopleura portia, Pantala flavescens, Phaon iridipennis, Phyllogomphus occidentalis, Pseudagrion glaucescens, Pseudagrion hamoni, Pseudagrion melanicterum, Pseudagrion nubicum, Pseudagrion sublacteum, Tetrathemis polleni, Tholymis tillarga, Tramea basilaris, Trithemis annulata, Trithemis arteriosa, Trithemis kirbyi, Zygonyx geminuncus.

[4] – L’étude d’insectes aquatiques de la vallée de l’Ouémé révèle parmi les larves la forte dominance des Gomphides par rapport aux Libellulides à raison de 23 larves pour 9 (Tchibozo & al. 2005). Les déterminations ne sont pas disponibles [2023].